Le Conseil de développement a auditionné les dirigeants des secteurs clés de l'économie sur l'arrivée de la LGV. Elle génère, aussi, des inquiétudes.
Bien sûr, les acteurs économiques de l'agglomération d'Angoulême voient avec intérêt l'arrivée annoncée de la LGV, qui peut faire office de « levier » de développement économique. Mais ils sont loin de sauter comme des cabris.
Le Conseil de développement du Grand-Angoulême, instance consultative adossée à l'agglomération (1), est allé voir les capitaines d'industrie, les dirigeants des filières emballages et image, et du secteur touristique, avec un questionnaire préparé en amont en commission.
La synthèse de ces auditions permet « de transmettre (aux élus) des points de vue, des questionnements », explique William Jacquillard, président. Devant les élus du Conseil communautaire, début février, il avait résumé la situation ainsi : « La LGV suscite des craintes, des attentes, des réserves. »
1 C'est Bordeaux qui les intéresseClairement, ce qui intéresse au premier chef les industriels, les filières image et emballage, c'est le gain de temps vers Bordeaux.
« En terme de développement, les acteurs économiques misent surtout sur l'attrait de la métropole bordelaise », souligne le Conseil de développement dans sa synthèse. Avec la LGV, Angoulême sera à une demi-heure et des poussières de Bordeaux, contre une heure aujourd'hui.
La capitale de l'Aquitaine, dotée d'une forte culture de l'export et du packaging de vins et spiritueux, est particulièrement attractive pour la filière emballage.
Les grands groupes industriels voient, eux, la perspective de rapprochement avec les secteurs aéronautique et mécatronique.
De son côté, la filière image compte sur la facilité augmentée de déplacement pour attirer des nouveaux talents, cadres et techniciens. Ils pourraient habiter Angoulême et naviguer aisément entre Paris et Bordeaux. La filière voit aussi une porte s'ouvrir pour des projets de formation avec l'université de Bordeaux.
2 Un impact positif à certaines conditionsMais les acteurs économiques considèrent qu'il ne faut pas attendre l'arrivée de la LGV les bras ballants. Ils estiment que les retombées ne seront positives qu'à plusieurs conditions. La première, que le Grand-Angoulême se « vende » (on appelle cela du marketing territorial) et vante le gain de temps de trajet, particulièrement entre Angoulême et Bordeaux.
Deuxième condition : adapter l'offre de transport autour de l'arrivée de la LGV. Il y a une demande du monde économique, par exemple, pour des TER renforcés sur l'axe Saintes-Limoges, des horaires de train adaptés au business et, à l'arrivée à Bordeaux, une continuation facile vers l'aéroport de Mérignac.
Dernière condition : soigner les circulations (bus, taxis, autos) et le stationnement autour de la future gare d'Angoulême.
3 Des risques de délocalisationSi ces conditions ne sont pas mises en œuvre, le monde économique craint des conséquences négatives à l'arrivée de la LGV, notamment des délocalisations d'entreprises ou de matière grise. Angoulême et sa périphérie peuvent devenir une « banlieue dortoir » de Bordeaux.
Le spectre de délocalisations est davantage présent dans les entretiens réalisés avec les décideurs de la filière image. Car Bordeaux cherche à développer une « notoriété culturelle autour de l'image ». Cette stratégie « pourrait concurrencer les entreprises d'Angoulême et vider le pôle image de sa substance », résume le Conseil de développement. La filière angoumoisine ne parle pas en l'air : d'après elle, la concurrence de Bordeaux se fait déjà nettement sentir, avec des agences bordelaises de communication qui prennent des marchés en Charente.
4 Et les liaisons ouest-est ?Enfin, disent tout net les acteurs économiques, renforcer l'axe ferroviaire nord-sud, très bien, mais cela ne résout en rien les carences dans les liaisons ouest-est : qui du transport transversal entre Angoulême et Rhône-Alpes ? Quant au ferroutage sur l'axe nord-sud, les industriels notent, pour le regretter, que la question n'est pas traitée dans le territoire et ne fait pas débat.
(1) Elle est composée de 90 membres qui viennent de la société civile.