Le 11 décembre à 19h48, quand le train-couchette s'est ébranlé de Paris Gare de Lyon vers l'Italie, peu de voyageurs à bord savaient qu'ils participaient à une première : le premier périple d'un train privé de voyageurs en France. Reportage.Dimanche, 11 décembre, 19h, quai M, gare de Lyon, à Paris :
"Thello, vous connaissez
- Non, pas du tout".
- Et vous, monsieur ?
- Le nom me rappelle quelque chose, mais quoi ?" Le quinquagénaire à l'accent italien se gratte poliment la tête. Derrière lui, les cinq lettres de Thello, avec son "O" rouge couronné d'une barre turquoise, sont gravées sur le wagon dans lequel il s'apprête à monter.
Rien à faire, aucun n'a encore entendu parler de cette compagnie de chemin de fer qui va les faire voyager toute la nuit de Paris à Venise. Du moins ceux qui acceptent de converser dans la langue de Molière ou de Dante.
Peu de Français à bord du premier train privé de voyageurs, l'accent latin chante à toutes les portières.
-"Y-a-t-il des Français à bord ?
- Oui !", répond Emmanuelle, étudiante de 22 ans. Je vais jusqu'à Milan où j'habite avec mon copain italien..." Et votre billet, vous l'avez acheté à Paris ? "Non, à Milan !"
La plupart des voyageurs ont acheté leur billet à Milan, ou bien par internet.Dans les gares italiennes, Trenitalia, l'associé de Veolia Transdev dans cette entreprise privée de chemin de fer, vend les billets en gare. En France, les billets de Thello se vendent sur le site www.thello.com et bientôt dans des guichets dédiés.
L'un des voyageurs, intrigué par mes questions, consulte son billet. Sur celui du retour, il découvre, discret, le sigle de Thello, et le présente triomphalement.
"Vous savez, c'est normal qu'il y ait autant d'Italiens ce soir, m'explique-t-il. Le 8 décembre, c'était le jour de l'Immaculée conception, fête nationale dans la péninsule. On a tous fait le pont pour passer le grand week-end à Paris".
19h15. Le train se remplit progressivement. Les wagons loués à renitalia (ce sont ceux de l'ancien train de nuit Artesia qui faisaient la navette entre la France et l'Italie) ne sont pas des plus modernes.
"Ils ont au moins 40 ans !", s'exclame un fan de l'histoire du rail, venu assister à l'événement. "Moins que ça, voyons » réplique, vexé, un membre de l'équipe de Thello venu aider les voyageurs. Déployés tout le long du quai, les agents font de leur mieux pour résoudre chaque demande en diverses langues.
Le wagon restaurant s'est équipé, jusqu'au départ, d'un petit fanion extérieur pour signaler qu'un service de restauration est accessible. Quelques photographes mitraillent le salon où s'alignent les tables fleuries, en carrés pour quatre personnes. "Ca change de l'accueil bar des TGV !", entend-on.
Une équipe de LSG Sky Chefs, d'habitude au service des des compagnies aériennes, est aux "fourneaux".
Seules la présence des caméras de télévision fait comprendre aux passagers que ce voyage est un événement. "La première compagnie française privée de transports voyageurs, c'est pour ça que vous filmez ?", lance Giuseppe en éclatant de rire.
7h40, les hauts parleurs annoncent en français et en italien le départ imminent du train historique. Etapes à Dijon, Milan, Brescia, Vérone, Vicenza, Padoue, arrivée à Venise prévue à 9h34.
Alors que le train s'ébranle, le "ferrovipathe" décide d'étaler sa science : "Ce n'est pas la première ligne privée de voyageurs en France, avant la création de la SNCF, en 1937, il n'y avait que ça des compagnies privées !"
Il n'a pas tort...
MobiliCités