Michel Boutant se voit en redresseur de torts sur les rails. Si les collectivités acceptent de payer pour la LGV, elles menacent de bloquer les trains pour obtenir une meilleure desserte d'Angoulême.
Il y a des efforts de la part de la SNCF, alors on fait un effort. Mais ce n'est pas encore suffisant et on pourrait aussi bloquer le 8h13 de Bordeaux pour montrer qu'il peut s'arrêter à Angoulême à 9h20».
Hier, Michel Boutant, le président du conseil général, Philippe Lavaud, maire d'Angoulême et président de GrandAngoulême et Robert Richard, président de la communauté de communes (Cdc) de Cognac, ont décidé de débloquer le premier versement de leur participation au financement de la ligne à grande vitesse (LGV) Tours-Bordeaux. 900.000 € qu'ils retenaient en otage depuis septembre pour faire pression sur la SNCF. C'est 1/15e de la contribution globale de 43 millions.
En jeu, il y avait la desserte de la gare d'Angoulême, mise à mal dans les prévisions de trafic de la SNCF après le 11 décembre. La grille prévoit la suppression d'un train, mais surtout des horaires qui laissent un trou béant entre 8 heures et midi et en milieu d'après-midi.
Elle prévoit surtout la suppression des directs entre Paris et Angoulême, dans les deux sens. «Passer de quatre ou cinq à zéro, c'est inacceptable» s'emporte Michel Boutant, qui a bien noté qu'il y avait une dizaine de directs entre Bordeaux et Paris et entre Poitiers et Paris.
C'est l'un de ceux-là que les élus voudraient voir s'arrêter le matin en gare d'Angoulême. «C'est simplement prendre un peu à ceux qui ont beaucoup pour donner à ceux qui n'ont rien». Et s'il le faut, pour y parvenir «nous, les Robins des voies», menace le président du conseil général, «serons prêts à descendre sur les rails pour nous faire entendre, puisque c'est la seule chose que la SNCF semble entendre».
Difficile pour les entreprises
Pour autant, les élus ne nient pas les difficultés que rencontre la SNCF, confrontée à deux impératifs: le cadencement qui implique une réorganisation des horaires, et surtout, d'importants travaux à réaliser sur la ligne qui engendrent des restrictions de circulation.
Mais leur crainte, c'est que le provisoire annoncé dure un peu trop longtemps pour le million et demi de passagers qui transitent chaque année par la gare d'Angoulême et «pour les entreprises». «Plus de train après 6h11, c'est une grosse difficulté pour elles. Elles ne pourront pas attendre cinq ans», s'inquiète Philippe Lavaud.
Michel Boutant redoute même la «mythridisation». On s'habitue peu à peu à l'absence de trains et on s'y résigne comme on s'adapte peu à peu au poison. Au point qu'il lui arrive de s'interroger. «On nous dit qu'à partir de Saint-Pierre-des-Corps, on est aux quatre minutes incompressibles entre deux trains, qu'on ne peut plus en insérer. Parfois, je doute de la sincérité de ce que l'on nous dit.»
Le pire n'est pourtant pas certain. Le 22 novembre prochain, en compagnie de Claudy Lebreton, le président de l'association des départements français, Michel Boutant est convié à dîner par Guillaume Pépy, le président de la SNCF.
Michel Boutant concède qu'il est très exigeant, ses partenaires assurent qu'ils vont rester vigilants, en contact régulier avec les usagers mécontents. «Et si le 11 au soir on n'est pas content, le Bordeaux direct du lendemain matin pourrait bien s'arrêter en gare d'Angoulême.»
La Charente Libre