De plus en plus de collectivités locales, s’estimant lésées par l’échelonnement des chantiers au sud de Bordeaux, se retirent du plan de financement. Le 9 juillet dernier, le gouvernement décidait de conserver l’objectif de réaliser la LGV Bordeaux-Toulouse avant 2030, mais de repousser à une date ultérieure et non déterminée la construction de Bordeaux-Hendaye. Une décision accueillie avec joie à Toulouse, mais avec amertume dans les Landes et dans les Pyrénées-Atlantiques. Le problème, c’est que Dominique Bussereau, alors ministre des Transports, pour obtenir le financement la LGV Tours-Bordeaux par les collectivités locales concernées, l’avait lié à celui des deux branches au sud de Bordeaux et aussi à celui de Poitiers-Limoges.
1. Pour l’heure, trois récalcitrants
L’enterrement de cette dernière en juillet dernier, mais aussi le report sine die de Bordeaux-Hendaye, a déclenché la « machine infernale » que Dominique Bussereau avait mise en place en sollicitant solidairement 57 collectivités territoriales. Il n’a pas hésité à le faire lui-même fin juillet, en annonçant la suspension des versements du Conseil général de Charente-Maritime. Il avait été précédé par le Conseil général des Pyrénées-Atlantiques et la Communauté d’agglomération du Grand Pau, qui avaient pris la même décision dès le mois de juin en voyant que le projet Bordeaux-Hendaye était déjà sérieusement menacé.
À Réseau ferré de France (RFF), Bruno de Monvallier, directeur régional, a de quoi s’inquiéter. Pas pour le chantier de la LGV Tours-Bordeaux, qui n’est pas menacé, mais pour la santé financière de son établissement public. En effet, c’est RFF qui est le maître d’ouvrage de la ligne concédée à Lisea, une filiale du groupe Vinci. Et si les collectivités n’apportent pas leur écot, c’est RFF qui devra payer les travaux au concessionnaire constructeur.
La convention de financement de Tours-Bordeaux lie 57 collectivités dans les régions Centre, Limousin, Poitou-Charentes, Aquitaine et Midi-Pyrénées. Les Régions, les Départements et de nombreuses Communautés d’agglomération sont concernées. Le concessionnaire apportait 3,8 milliards d’euros, sur un total estimé à 7,8 milliards en juillet 2011. Il restait donc 1 milliard à la charge de RFF, 1,5 milliard apporté par l’État et autant à la charge des collectivités locales.
2. Il manquait 300 millions
Sur ce total, des personnes proches du dossier estiment qu’un certain nombre de collectivités n’ayant pas accepté de signer la convention de financement présentée par Dominique Bussereau, il manquait d’emblée 300 millions d’euros. Les Landes avaient par exemple soumis leur participation à des garanties financières que l’État n’a pas accordées. L’ardoise, et donc l’endettement à la charge de RFF, le maître d’œuvre, pourrait s’alourdir de plusieurs centaines de millions.
Du côté des pouvoirs publics, on avait déjà décidé de passer outre le fait qu’il ait manqué des signatures et on ne s’inquiète pas outre mesure que de nouvelles collectivités refusent de payer, comme la Charente-Maritime, les Pyrénées-Atlantiques ou l’agglomération paloise. Au point où nous en sommes, il serait déjà plus coûteux d’arrêter le chantier que de payer les sommes manquantes. Pour que l’opération ne tourne pas à une prime accordée aux collectivités qui ne jouent pas le jeu, on peut s’attendre à ce que l’État fasse pression sur celles qui arrêteraient de payer. Il dispose de nombreux moyens pour ce faire, par le biais des « financements croisés » où l’État tient toutes les ficelles.
3. L’exemple de Belfort-Dijon ?
Interrogé par « Sud Ouest », Martin Malvy, le président de Midi-Pyrénées, rappelait vendredi qu’il avait été très satisfait que sa région ait été conservée comme une priorité. Lui qui doit rencontrer Frédéric Cuvillier, le ministre des Transports, en septembre, se montre très confiant, même s’il comprenait que la déclaration d’utilité publique de Tours-Bordeaux ne puisse être obtenue en 2014, année d’élections municipales. « Nous devrons nous mettre autour d’une table pour en discuter, le projet GPSO est un beau combat même si des considérations financières conduisent à penser qu’on ne peut pas mener les deux chantiers en même temps. »
La première LGV qui avait été financée par autant de collectivités locales - jusqu’au niveau des Communautés de communes - reliait Belfort à Dijon, sur l’itinéraire Rhin-Rhône. La convention de financement n’avait pas été totalement bouclée non plus. Pourtant, cette LGV a toutefois été inaugurée en décembre 2011, à une époque où l’État manquait déjà cruellement de moyens financiers.
Le dossier n’était pas aussi complexe, mais ce précédent donne de l’espoir à ceux qui souhaitent voir avancer la LGV Sud Europe Atlantique.
Le Sud Ouest