"Le besoin de sécurité est toujours aussi présent. En réponse, Montauban va augmenter le nombre de ses caméras. Plusieurs villes de Haute-Garonne veulent mutualiser les moyens pour s'équiper en vidéosurveillance.
Les maires doivent faire face à une demande de sécurité de plus en plus pressante de la part du public, mais aussi du gouvernernement. Sans aucun pouvoir sur les effectifs de gendarmerie ou de police nationale de leur ville, ils n'ont pas beaucoup de choix. Pour ne pas se faire taper sur les doigts, ils devront, entre autre, gonfler leur police municipale ou sortir les caméras de vidéosurveillance. Un thème d'actualité à Toulouse ou, en juin dernier, neuf experts internationaux ont été reçus en public, par une mission municipale afin d'exposer leurs conceptions sur la vidéosurveillance. Une fièvre de vigilance qui ne touche pas que Toulouse qui compte 24 caméras pour surveiller ses rues. À Montauban, par exemple, compte déjà pas moins de 33 caméras gérées par la police municipale. Nommé Lynx, ce système va s'enrichir dans les prochaines années de 25 caméras de plus. 10 seront installées avant la fin de l'année. Énorme.
Jusqu'à présent, ce sont les hypercentres des villes qui passent sous l'œil des caméras. À chaque fois, les commerçants sont demandeurs.
Récemment à Villeneuve-sur-Lot, dans le Lot-et-Garonne, ils ont manifesté à la suite de l'agression d'un commerçant. Elle aurait eu lieu au croisement de deux caméras du centre, seul « angle mort » du système installé en 2009. Les commerçants ont manifesté pour demander plus de caméras et plus de policiers. Mais, installer des caméras à tous les coins de rue n'est pas gratuit, loin de là. Il faut compter environ 1,5 million d'euros pour 40 caméras. L'État prend en charge une partie de cette somme. Les coûts de maintenance, de location des réseaux de transmission évalués à 10 % par an du budget initial, restent à la charge des collectivités locales. Toulouse consacre tous les ans un budget de 250 000€ à son système de surveillance vidéo. Une situation devant laquelle des communes tentent de trouver la parade. Ainsi, les communes de Colomiers, Tournefeuille et Blagnac envisagent de s'unir afin de mutualiser les moyens financiers et humains. Ce projet, ambitieux, propose d'installer un PC à Toulouse où seraient scrutées les images prises dans les trois villes. Cet engouement de la caméra n'efface pas les doutes des plus sceptiques. Un syndicaliste tarn-et-garonnais estime : « Ça n'empêche pas de commettre des délits. De toute façon quand les gens savent qu'il y a une caméra, ils vont faire les conneries ailleurs ». Pour d'autres, la vidéosurveillance les envoie directement dans le monde décrit dans le roman de Georges Orwell «1984». Une chose est sûre, en équipant les villes de caméras, on « économise » les moyens humains. Il ne reste plus qu'à utiliser ceux qui restent à bon escient.
« Une dérive sécuritaire »
Jean-François Mignard, président d'honneur de la Ligue des droits de l'Homme à Toulouse fait partie du bureau national de l'association. Entre défense des droits sociaux, lutte contre les discriminations et défense des libertés publiques, la LDH est également très attentive aux débats sur l'utilité de la vidéosurveillance.
Pourquoi êtes-vous farouchement opposé à la vidéosurveillance ?
C'est un système qui est plus attentatoire aux libertés que ce qu'il peut rapporter en terme de sécurité. La vidéosurveillance ne peut rien toute seule. Il faut engager des moyens humains. Les caméras n'ont jamais interpellé des délinquants.
Pourtant, la vidéosurveillance a permis de résoudre des enquêtes...
Certes. Mais elle n'empêchera personne de commettre des délits. Pour nous, l'intervention humaine est préférable à une intervention technologique.
Que craignez-vous exactement ?
Nous glissons peu à peu vers un système de dérive sécuritaire. D'abord on remplace des hommes par des machines, alors que cela devrait contribuer à des créations de poste, ensuite ces caméras s'ajoutent à des dispositifs comme le fichage, le contrôle à outrance. Recueilli par F.Ab.
« Les caméras peuvent limiter les infractions ou permettre d'identifier des délinquants. Elles évitent de laisser des fonctionnaires en mission statique devant des portes ».
Luc Escoda, secrétaire zonal du syndicat Alliance
Le chiffre : 58
caméras > A Montauban en 2012. A Montauban, il y a 33 caméras essentiellement au cœur de la ville. Le conseil municipal a voté 25 caméras de plus. Elles seront installées progressivement jusqu'en 2012.
Expert : Luc Escoda, secrétaire zonal du syndicat Alliance police nationale
« Ça ne remplace pas un policier »
Secrétaire zonal de Midi-Pyrénées au sein du syndicat Alliance police nationale, Luc Escoda porte un regard favorable, sur l'installation de système de vidéosurveillance dans la région.
Quels avantages trouvez-vous aux caméras de surveillance ?
Il y en a beaucoup. Par exemple, elles évitent de mettre des personnels de police en station devant un édifice public. De plus, sur certaines zones criminogènes, elles peuvent dissuader les malfaiteurs de passer à l'acte.
Vous pensez vraiment que la vidéosurveillance est utile pour lutter contre la délinquance ?
Si les images sont enregistrées, oui. Sinon, cela n'a pas d'intérêt. Les images ont souvent aidé à l'arrestation de voleurs à l'étalage, de braqueurs. Elles permettent aussi d'avoir le signalement d'un individu qui vient de commettre un délit ou un crime.
Montauban a décidé d'ajouter dans les prochaines années 25 caméras aux 33 déjà en place. Toulouse se pose des questions sur le bien fondé de ce système.
Ce sont deux mairies de tendances totalement opposées. Elles n'ont forcément pas la même approche du problème. Peut-être qu'à Toulouse, il n'y a pas assez de caméras de vidéosurveillance. On verra quel système est le plus efficace et lequel porte rapidement ses fruits dans la lutte contre la délinquance et pour aider les enquêtes de police.
Propos recueillis par F. V.
« C'est une aide pour les enquêteurs »
Pour Luc Escoda, secrétaire zonal du sein du syndicat Alliance police nationale, les systèmes de vidéosurveillance sont « une aide à l'enquête ». Ainsi, dans la région, plusieurs dossiers ont été bouclés grâce aux caméras. À Montauban, fin 2008, un fromager du centre-ville se fait braquer par un étudiant souffrant de problèmes physiques et psychologiques.Le jeune homme prend la fuite d'une démarche claudicante que les caméras de la police municipale immortalisent. Les services de police le retrouvent quelques jours plus tard. Toujours dans la cité d'Ingres, il y a quelques jours, un individu qui a volé des chaises à la terrasse d'un café, puis cassé une bijouterie et enfin dérobé une statuette sur la place Nationale a été interpellé grâce à la vidéo. À Toulouse, début avril, une étudiante toulousaine avait été violée dans la nuit alors qu'elle rentrait chez elle. L'homme a été repéré par les caméras de surveillance dans le quartier Saint-Cyprien aux abords du métro. En février dernier, place du Capitole, deux voleurs sont filmés par les caméras de surveillance en train de piller un camion de livraison. Le chauffeur avait le dos tourné quand les deux garçons ont fait main basse sur des cartons contenant des téléviseurs. La scène est suivie depuis le PC de la police municipale. Les auteurs ont été interpellés quelques minutes plus tard." La Dépêche du Midi du 030910