"Le TGV creuse son sillon, lentement mais sûrement. Mais depuis vendredi, le dossier connaît une accélération sensible avec la présentation aux élus des premiers résultats des études concernant le passage du train à grande vitesse en Haute-Garonne et en Tarn-et-Garonne. Si la future LGV n'en finit plus de mobiliser les populations riveraines, il semble bien que RFF ait d'ores et déjà fait son choix entre les quatre fuseaux qu'il va proposer maintenant à la concertation générale.
Après le comité de pilotage du 11 janvier dernier, et face à la fronde des collectivités, Réseau Ferré avait été obligé de revoir sa copie. Le propriétaire du réseau français a dû inclure dans ses études complémentaires les propositions des associations locales. Du fuseau retenu à l'origine sont nés quatre fuseaux alternatifs appelés A, B, C et D, larges de 1 000 mètres et considérés comme « techniquement réalistes ».
Dans son choix, RFF a retenu quatre critères : l'impact sur les surfaces agricoles et les zones Natura 2000, l'impact sur les habitations, mais aussi sur la viticulture et les bâtiments d'activité.
Mais, quelle que soit la version retenue, des centaines de maisons seront sacrifiées. Alors, à ces alternatives, RFF oppose le fameux fuseau « D ». Celui-ci ressemble pour tout dire à celui qu'il avait présenté en janvier, mais retravaillé au droit de Montauban et décalé de 500 mètres vers le couloir de la ligne à haute tension.
Et ces nouvelles études ont réservé parfois quelques surprises. « Entre ce qu'on lit sur une carte IGN et la réalité, il y a parfois un fossé. Les zones urbanisées sont plus étendues qu'on l'imagine, « On pensait ainsi que le fuseau contournant Grisolles par l'ouest pouvait se révéler plus intéressant. Il n'en est rien. On a constaté qu'il y avait un millier d'habitations au moins… », explique Christian Dubost, le patron de RFF
Après ces fuseaux de 1 000 mètres, il faudra définir à l'intérieur de l'un d'eux le tracé définitif sous la forme d'une bande de 100 mètres. Ce ne sera pas avant fin 2010 début 2011, rappelait hier RFF. Seule certitude qui semble se confirmer : la justification d'un raccordement de la LGV à celle existante au nord de Saint-Jory. La variante proposée par un collectif d'associations de se connecter à Lespinasse, plus au sud, aurait un impact trop lourd et trop coûteux sur l'habitat, sur la zone de fret et de triage, sans parler de la proximité du dépôt Total classé Seveso. Cette hypothèse paraît donc définitivement éliminée.
"L'humain passe au second plan"
Le tracé de la LGV soulève toujours autant de craintes en Tarn-et-Garonne. Les collectifs de défense ont encore mobilisé leurs troupes pour manifester samedi à Grisolles. Alain Marcel, le maire de Pompignan y était. « Réseau Ferré de France est revenu vers nous avec, finalement, le fuseau initialement prévu. Je ne suis pas anti-LGV, car c'est un projet important pour la région. Mais le côté humain et la concertation passent au second plan. La ligne va traverser le parc du château, une bonne partie du village et on nous parle même d'un tunnel pour limiter les nuisances. Moi, ce que je veux, c'est savoir où on va, pour rassurer les habitants. Depuis l'annonce d'un possible passage de la ligne, tout est bloqué. Le foncier a chuté, plus personne ne veut s'installer. »
L'association Sauvegarde de Pompignan est également très remontée après les dernières annonces. Véronique Duflot, présidente, promet de durcir le combat. « Des villages seront rayés de la carte si on laisse faire. A Pompignan, la balafre passera au milieu du parc classé du château. RFF nous dit que ce fuseau est le moins impactant pour les riverains, sans avoir tenu compte de nos propositions. On verra bien. On fera un comptage précis des maisons vouées à l'expropriation et de celles qui subiront des nuisances. » Au-delà d'autres manifestations à venir, les collectifs fourbissent également leurs armes pour engager la bataille juridique.
Pour Martin Malvy, « il est maintenant nécessaire que la concertation reprenne afin que le fuseau qui sera retenu soit celui qui entraîne le moins de nuisances possibles. C'est de la concertation que dépend le bon achèvement de la procédure. »
Interview
"Notre choix, un bon compromis"
Christian Dubost, directeur régional de Réseau Ferré de France.
Sur les quatre fuseaux que vous avez arrêtés, votre choix se porte sur le « D » ?
Il ressemble au fuseau présenté en janvier mais retravaillé. C'est le meilleur compromis, celui qui minimise l'impact sur l'habitat et les zones naturelles tout en préservant les fonctionnalités attendues de la LGV. Ce fuseau privilégie l'implantation de la future LGV le long d'infrastructures existantes : l'A62 et les lignes à haute tension, dans le couloir entre Montbeton et Lacourt Saint-Pierre.
Quelles sont les véritables pierres d'achoppement restantes ?
Sans conteste, l'insertion très compliquée du tracé entre Lacourt et Montbeton. C'est aussi, au sud de Saint-Rustice, la traversée par un seul pont de la RN 20, du canal et de la voie actuelle. Les craintes de la maire de Saint-Rustice sont légitimes. C'est également le choix de l'emplacement de la gare au sud de Montauban, a priori vers Bressols, mais aussi l'impact viticole entre Pompignan et Campsas
Finalement, les études complémentaires engagées se sont révélées rapides ?
Faut-il le dire, l'échéance des élections régionales nous a apporté un certain répit. Tout le mois de mars, nous avons été tranquilles pour conduire les études qu'imposait chacun des fuseaux. Il aurait été difficile de mener de front ces études et les différentes concertations.
Quels sont maintenant les prochains rendez-vous ?
En avril et mai, d'autres réunions de travail et de concertation vont avoir lieu. Des contacts sont pris également avec les maires concernés pour détailler avec eux les impacts du projet et examiner les possibilités d'optimisation du fuseau et de son insertion dans le territoire. De tous ces rendez-vous dépendront les propositions présentées lors des commissions consultatives prévues le 10 mai en Haute-Garonne et le 7 mai dans le Tarn-et-Garonne. Ce n'est que le 31 mai, en comité de pilotage, que sera validé véritablement un fuseau afin de poursuivre les études avec la recherche d'un tracé.
Pourquoi le fuseau "D" a l'avantage
Après avoir pesé avantages et inconvénients, Réseau Ferré de France confirme son choix sur le fuseau baptisé "D".
Il longe l'autoroute A62 entre Campsas et Fronton par l'ouest pour éviter le plus possible d'impacter habitations et vignobles. Puis il emprunte un tunnel d'environ 2 km entre Fronton et Pompignan, commune que l'ouvrage traverse. La LGV « refait surface » entre Saint-Rustice et Pompignan pour passer sur un pont enjambant d'un seul trait la RN 20, la voie ferrée actuelle et le canal. On se retrouve alors à l'ouest du canal qu'on refranchit une deuxième fois pour se raccorder au nord de Saint-Jory à la ligne SNCF existante. Le choix de Saint-Jory plutôt que Lespinasse semblerait à peu près accepté.
Les quatre fuseaux quels qu'ils soient impactent les habitations qui s'y trouvent implantées. Nous somme s partout sur des zones fortement urbanisées. Dans chaque bande de 1 000 mètres, on compte selon les fuseaux, jusqu'à 960 maisons. C'est sur le fuseau "D" que les conséquences seraient moindres. Des études démontrent que sur une bande ramenée à 100 mètres, environ soixante-dix habitations sont concernées. Tout l'enjeu, en 2010, sera de limiter au maximum l'impact sur le patrimoine bâti existant.
Réseau ferré reconnaît que sa solution, si elle limite les dégâts, n'épargnera pas pour autant les vignes du Frontonnais. Le passage de la ligne à grande vitesse devrait impacter environ vingt hectares de vignes AOC. Pour RFF, il est possible de compenser ces pertes par la régénération de terres non encore plantées. C'est la solution adoptée en Champagne pour la LGV Est.
Tout bien pesé, ce fuseau serait celui qui prête le moins à conséquences. Pour les zones naturelles déjà. Le fuseau A, par exemple, emprunte un itinéraire qui passe au ras de la forêt de Montech. Mais aussi pour les zones d'activités déjà implantées.
L'itinéraire qu'emprunte ce fuseau. Ce fuseau a un moindre impact sur les habitations. Il sera difficile de préserver tous les terrains viticoles. Un moindre mal pour les activités humaines." La Dépêche du Midi du 130410