Bruno de Monvallier, directeur régional de RFF, explique les grands chantiers présents et à venir.
Des travaux titanesques sont engagés un peu partout sur les voies ferrées de France, et par conséquent dans les Pyrénées-Atlantiques depuis l'année dernière. Bruno de Monvallier, directeur régional de Réseaux ferrés de France (RFF), aligne les millions d'euros pour ces chantiers présents et à venir, qui marquent le grand retour du rail dans la politique des transports.
«Sud Ouest». Lors de votre dernière venue à Pau, vous avez fait allusion à un audit qui décrit l'état des voies ferrées françaises comme inquiétant. Comment en est-on arrivé là ?
Bruno de Monvallier. L'audit dont je parle a été réalisé en 2005 par l'école polytechnique de Lausanne, et avait été commandé par la SNCF et RFF. Il faisait le constat que si la moitié des 30 000 kilomètres de voies ferrés françaises devaient à terme être fermées si elles n'étaient pas rénovées. Il ne s'agissait pas là des lignes TGV ou encore des grandes lignes comme Toulouse-Pau-Bayonne, mais plutôt des lignes régionales.
Il faut se souvenir qu'il y a vingt ans à peine, on fermait des lignes régionales à tour de bras. Depuis, les mentalités ont évolué, et en Aquitaine, on ne se pose même plus la question de fermer la moindre petite ligne, comme Bayonne- Saint-Jean-Pied-de-Port, mais bien de leur permettre de durer. On est aujourd'hui dans une perspective différente, une envie de plus de trains qui s'exprime jusque chez nos concitoyens.
Est-ce que cette politique ferroviaire porte ses fruits ?
Oui. En dix ans, les trains express régionaux d'Aquitaine ont connu une hausse de 50 % de leur fréquentation, notamment grâce à la Région, qui a financé de nouveaux trains, mais aussi désormais grâce à RFF qui commence à rénover les voies. Ce n'est pas pour rien que nous avons mis 35 millions d'euros sur la ligne Pau-Oloron l'année dernière.
La SNCF a annoncé de nouveaux horaires, la suppression temporaire de nombreux trains ces quatre prochaines années sur des lignes comme Bordeaux-Hendaye ou Tarbes-Pau-Dax à cause de travaux qui viennent de débuter. Des associations d'usagers ont même été créées. Vous n'avez pas peur, avec ces travaux, de les dégoûter du train ?
C'est ce qu'on nous disait avant les travaux entre Pau et Oloron. À l'époque aussi, il y avait eu une levée de boucliers, de la part d'usagers, mais aussi d'organisations syndicales qui nous disaient qu'on allait perdre du trafic et que la SNCF perdrait ses clients qui préféreraient la voiture. La voie a été refaite, le matériel roulant a changé, et la Pau-Oloron est devenue la ligne la plus fiable d'Aquitaine avec 98 % de régularité. Le petit recul dont nous disposons nous montre que la ligne fonctionne désormais très bien.
Malgré tout, les travaux engagés aujourd'hui seront plus longs et donc plus pénalisants. La députée-maire de Pau a suggéré, avec la perte de plusieurs trains vers Paris, que l'on réfléchisse à une compensation de tarifs en faveur des lignes aériennes. Qu'en pensez-vous ?
Pour être clair et honnête, je n'imagine pas la SNCF subventionner des billets d'avion vers Paris… Encore une fois, l'expérience montre que l'amélioration du service favorisera le retour des usagers. Entre Dax et Pau, on va refaire entièrement la voie pour 130 millions d'euros. On change tout, les rails, les traverses, le ballast… C'est un des plus gros chantiers d'Aquitaine. À l'arrivée, on aura des trains plus rapides et plus réguliers à partir de 2013.
Un autre sujet préoccupe beaucoup en Béarn, voire au-delà, c'est la réouverture de la Pau-Canfranc. Bien des Béarnais, qui entendent le même refrain depuis des années, n'y croient plus. Que leur répondez-vous ?
Nous faisons tout pour que cela se fasse. La Région nous a assurés du financement avec l'Union européenne. C'est à RFF qu'ont été confiée les études de réalisation des travaux. Si ces études ont pris du retard, c'est parce qu'il a fallu revoir les coûts, qui ont évolué suite à la législation plus restrictive sur les passages à niveau après de dramatiques accidents. Nous avons l'obligation de ne pas en ouvrir. Au départ, il y a cinq ans, on en était à 30 millions d'euros pour la réouverture d'Oloron-Bedous. Maintenant, ce sont 105 millions qui sont envisagés pour 25 kilomètres.
Plus de quatre millions d'euros le kilomètre de rails, cela paraît très cher !
C'est très cher ! Il faut savoir qu'un kilomètre de voie normale à réaménager coûte un million d'euros. Pour une ligne à grande vitesse, c'est entre 15 et 20 millions. Ici, les coûts élevés sont liés au caractère mouvementé du relief.
Il y a beaucoup d'ouvrages d'art et certains devront être refaits, comme les tabliers de certains ponts. Mais 105 millions, c'est en principe le dernier prix, qui sera peut-être réévalué en fonction des appels d'offres, qui doivent être lancés début 2013. Fin 2013, nous lancerons les travaux, qui devraient s'achever entre fin 2014 et début 2015.
Parlons maintenant de la LGV. Où en est-on de la desserte vers le Béarn et la Bigorre. Se fera-t-elle un jour ?
Il faut être précis sur les termes. L'engagement a été pris d'une amélioration de la desserte vers le Béarn et la Bigorre. Et cela, suivant plusieurs scénarios. Parmi ceux-là, les principaux sont la création d'une ligne à grande vitesse nouvelle entre Mont-de-Marsan et Pau d'une part, et d'autre part la construction d'un bout de ligne entre Dax et la voie existante entre Orthez et Pau, qui sera aménagée (le shunt de Dax). Le ministère de l'Écologie nous a demandé de préparer la saisine de la commission nationale de débat public. On est vraiment engagés dedans, et on devrait organiser un comité de pilotage très prochainement.
À quand ce débat public ?
Le débat public doit être lancé en mars 2012, et il se fera bien sûr en liaison avec le Grand Projet du Sud-Ouest sur le tronçon Bordeaux-Espagne de la LGV. Sachant que l'on regardera bien entendu les coûts. La solution la moins chère est celle du shunt de Dax, qui coûtera tout de même 800 millions d'euros, quand l'autre scénario se chiffre à 1,1 milliard d'euros au bas mot... Autant de zéros qui viendront s'ajouter aux milliards du GPSO. Sachant, ne l'oublions pas, que le seul tronçon Tours-Bordeaux fera gagner une heure aux Palois qui voudront rejoindre Paris via Bordeaux.
Le Sud Ouest